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Parcours de lecture

Albert Camus, "Les muets" (1957)

Problématique : Dans le dialogue, utilisons-nous seulement des mots ?
Organisation
Organisation

Dans cette séquence, vous travaillez en groupes autonomes.

Tout travail non finalisé, dans le temps imparti ,sera à réaliser en dehors des heures de cours.

Déroulé et évaluation

  • Heures 1 & 2 : Compétences d'écriture

Chacun des groupes d’élèves effectue une analyse approfondie de chacun des extraits. (structure du récit, focalisation, système d’énonciation, temps verbaux, étude des pronoms, champs lexicaux, figures de style…). Tout ce qui est attendu dans les « compétences de lecture » 

  • Heure 3 :

Tour à tour, chacun des groupes de travail vient faire un point auprès de l’enseignant

Pendant ce temps, les autres groupes travaillent sur l’« entraînement aux compétences d’écriture » :

        ◦ Extrait 1 :  D’après ce texte, les mots sont-ils indispensables pour se faire comprendre ?
        ◦ Extrait 2 : Dans le milieu professionnel, est-on libre de dire ce que l’on veut à sa hiérarchie ou à ses collègues ?

        ◦ Extrait 3 : L’usage de la parole permet-il de dire tout ce que l’on pense ?

  • Evaluation finale

Au terme de ce travail, 2 heures vous seront laissées afin d’effectuer l’ultime question de compétence d’écriture : Dans le dialogue, utilisons-nous seulement des mots ? (respecter la méthodologie d’écriture d’argumentation)
Une seule copie sera rendue par groupe de travail. Ce travail sera rendu à votre enseignant et fera office d'évaluation.

Droits et devoirs
Droits et devoirs

VOS DROITS


1) Vous déplacer librement dans la salle, arranger les tables comme bon vous semble (groupe, individuel…). Vous avez donc le droit de discuter, etc...
2) Ne rien faire ou faire tout à fait autre chose.
3) Gérer votre temps de travail comme bon vous semble. A vous de travailler en fonction. Cela en va de votre responsabilité. Cela vous permet de lire à votre rythme, de lire et relire ce que vous voulez, dans le sens que vous voulez. De plus, vous avez suffisamment de temps pour le faire.

VOS DEVOIRS

1) A la fin des heures imparties, le travail est considéré comme fini l'évaluation rendue. Il y a donc du travail à effectuer pour tout le monde.
2) On garde une ambiance de travail dans la salle. On ne dérange pas le travail des autres ! Sinon, vous risquez de vois faire retirer les droits évoqués plus haut.
3) On fait très attention au langage qu'on utilise et au respect qu'il induit. Nous sommes dans une salle de classe et tout manquement peut vous être reproché.
4) Il est impératif de ramener ses affaires de travail à chaque heure de cours.
5) A la fin, remettre la salle comme on l'a trouvée au début de l'heure.

Finalités et enjeux
Finalités
  • Comprendre comment la mise en scène de la parole contribue à son efficacité.

  • Situer la visée d’une parole dans son contexte.

  • Maîtriser l'argumentation

Attitudes
  • Être conscient des codes culturels et des usages sociaux du langage.

  • Mesurer les pouvoirs de la parole.

OUVERTURE
Ouverture
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Albert Camus

Albert Camus est né le 7 novembre 1913 en Algérie, et mort le 4 janvier 1960 dans un accident de voiture, est un écrivain, philosophe, romancier, dramaturge,  essayiste et nouvelliste français. Il est aussi journaliste militant engagé dans la Résistance française et, proche  des  courants libertaires, dans les combats moraux de l'après-guerre. Ainsi s’est-il engagé contre la peine de mort et la  colonisation.
Son œuvre comprend des pièces de  théâtre, des romans, des nouvelles, des films, des poèmes et des essais dans lesquels il développe un humanisme fondé sur la prise de conscience de l'absurdité de la condition humaine. Ainsi, la vie semble dénuée de sens, mais les hommes doivent lui en trouver un. La réponse à l'absurde se trouve dans la révolte, car celle-ci conduit à l'action et donne un sens au monde et à l'existence.
Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1957.

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Intrigue de la nouvelle « Les Muets » (1957)

« Les Muets » est issu d’un recueil de nouvelles intitulé L’Exil et le royaume. C'est la dernière œuvre littéraire de Camus publiée du vivant de l'auteur.

« Les Muets » décrit l’univers d’une tonnellerie d'Alger et le malaise d'Yvars, ouvrier, qui n'arrive pas à donner du sens à sa vie malgré un couple harmonieux et l'esprit de solidarité des ouvriers en lutte contre leur patron, M. Lassalle, mais qui perdent le sens de la compassion.

CORPUS

Extrait 1

EXTRAIT 1 La grève de la parole

 

M. Lassalle, qui ne sait pas encore que ses ouvriers ne veulent plus lui parler, entre dans l’atelier de l’usine pour les saluer

           M. Lassalle fit quelques pas indécis, puis il avança vers le petit Valery, qui travaillait avec eux depuis un an seulement. Près de la scie mécanique, à quelques pas d'Yvars, il plaçait un fond sur une bordelaise1 et le patron le regardait faire. Valery continuait à travailler, sans rien dire. « Alors, fils, dit M. Lassalle, ça va ? » Le jeune homme devint tout d'un coup plus maladroit dans ses gestes. Il jeta un regard à Esposito qui, près de lui, entassait sur ses bras énormes une pile de douelles2 pour les porter à Yvars. Esposito le regardait aussi, tout en continuant son travail, et Valery repiqua le nez dans sa bordelaise sans rien répondre au patron. Lassalle, un peu interdit3, resta un court moment planté devant le jeune homme, puis il haussa les épaules et se retourna vers Marcou. Celui-ci, à califourchon sur son banc, finissait d'affûter, à petits coups lents et précis, le tranchant d'un fond. « Bonjour, Marcou », dit Lassalle, d'un ton plus sec. Marcou ne répondit pas, attentif seulement à ne tirer de son bois que de très légers copeaux. « Qu'est-ce qui vous prend, dit Lassalle d'une voix forte et en se tournant cette fois vers les autres ouvriers. On n'a pas été d'accord, c'est entendu. Mais ça n'empêche pas qu'on doive travailler ensemble. Alors, à quoi ça sert ? » Marcou se leva, souleva son fond, vérifia du plat de la main le tranchant circulaire, plissa ses yeux langoureux4 avec un air de grande satisfaction et, toujours silencieux, se dirigea vers un autre ouvrier qui assemblait une bordelaise. Dans tout l'atelier, on n'entendait que le bruit des marteaux et de la scie mécanique. « Bon, dit Lassalle, quand ça vous aura passé, vous me le ferez dire par Ballester5. » À pas tranquilles, il sortit de l'atelier.

 

Albert Camus, « Les Muets », L’Exil et le royaume, 1957

Bordelaise : grand récipient utilisé pour le vin.

Douelles : éléments de bois servant à fabriquer des emballages.

Interdit : ne trouvant pas ses mots.

Langoureux : ici, fatigués.

Ballester est un ouvrier qui a pris la défense de M. Lassalle.

Extrait 2

EXTRAIT 2  Un silence éloquent

M. Lassale a convoqué deux ouvriers, Marcou et Yvars, pour désamorcer la situation.

       « Asseyez-vous », dit Lassalle en prenant place derrière son bureau. Ils restèrent debout. « Je vous ai fait venir parce que vous êtes, vous, Marcou, le délégué et, toi, Yvars, mon plus vieil employé après Ballester. Je ne veux pas reprendre les discussions qui sont maintenant finies. Je ne peux pas, absolument pas, vous donner ce que vous demandez.

L'affaire a été réglée, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il fallait reprendre le travail. Je vois que vous m'en voulez et ça m'est pénible, je vous le dis comme je le sens. Je veux simplement ajouter ceci : ce que je ne peux pas faire aujourd'hui, je pourrai peut-être le faire quand les affaires reprendront. Et si je peux le faire, je le ferai avant même que vous me le demandiez. En attendant, essayons de travailler en accord. » Il se tut, sembla réfléchir, puis leva les yeux sur eux. « Alors ? » dit-il. Marcou regardait au-dehors. Yvars, les dents serrées, voulait parler, mais ne pouvait pas. « Écoutez, dit Lassalle, vous vous êtes tous butés. Ça vous passera. Mais quand vous serez devenus raisonnables, n'oubliez pas ce que je viens de vous dire. » Il se leva, vint vers Marcou et lui tendit la main. « Chao ! » dit-il. Marcou pâlit d'un seul coup, son visage de chanteur de charme se durcit et, l'espace d'une seconde, devint méchant. Puis il tourna brusquement les talons et sortit. Lassalle, pâle aussi, regarda Yvars sans lui tendre la main. « Allez vous faire foutre », cria-til.

Albert Camus, « Les Muets », L’Exil et le royaume, 1957

Extrait 3

EXTRAIT 3  Un silence insupportable

Peu après l’entrevue dans le bureau de M. Lassalle, la petite-fille de celui-ci meurt subitement d’une crise cardiaque. Alors que l’ambulance vient de partir avec la dépouille de l’enfant, M. Lassalle entre dans le vestiaire des ouvriers.

Il était habillé comme lors de sa première visite, mais ses cheveux étaient un peu dépeignés. Il s'arrêta sur le seuil, contempla le vaste atelier déserté, fit quelques pas, s'arrêta encore et regarda vers le vestiaire. Esposito, toujours couvert de son pagne, se tourna vers lui. Nu, embarrassé, il se balançait un peu d'un pied sur l'autre. Yvars pensa que c'était à Marcou de dire quelque chose. Mais Marcou se tenait, invisible, derrière la pluie d'eau qui l'entourait. Esposito se saisit d'une chemise, et il la passait prestement quand Lassalle dit : « Bonsoir », d'une voix un peu détimbrée, et se mit à marcher vers la petite porte. Quand Yvars pensa qu'il fallait l'appeler, la porte se refermait déjà.

Yvars se rhabilla alors sans se laver, dit bonsoir lui aussi, mais avec tout son coeur, et ils lui répondirent avec la même chaleur. Il sortit rapidement, retrouva sa bicyclette et, quand il l'enfourcha, sa courbature. Il roulait maintenant dans l’après-midi finissant, à travers la ville encombrée. Il allait vite, il voulait retrouver la vieille maison et la terrasse. Il se laverait dans la buanderie avant de s'asseoir et de regarder la mer qui l'accompagnait déjà, plus foncée que le matin, au-dessus des rampes du boulevard. Mais la petite fille aussi l'accompagnait et il ne pouvait s'empêcher de penser à elle.

Albert Camus, « Les Muets », L’Exil et le royaume, 1957

SUPPLEMENTS
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